Child 259 : chapitre 3

Publié le par kindes

Chapitre 3

 

River décrivait des cercles derrière son bureau nerveusement. Richard, assis sur une chaise, ne bougeait pas, le regarda un moment, puis baissa les yeux avant d'avoir le tournis. À côté de lui, l'homme qui s'était chargé de l'entrainement des soldats tués : le capitaine Harold Eagle. C'est sur lui que River brailla en premier :

– Vos soldats ont lamentablement échoué !! Comment pouvez vous expliquer une telle tuerie alors que vous-même m'aviez assuré qu'elle ne sortirait jamais vivante de ce laboratoire ?!

– Je vous avais assuré qu'il serait « peu probable » ! Ses capacités au combat au corps à corps sont largement au dessus de mes prévisions.

Il regardait fixement Richard qui tenta de se justifier :

– En effet elle a acquis, je ne sais comment, une vitesse, une souplesse et une technique hors du commun. Aucun ordinateur aussi puissant soit-il ne pouvait prévoir une adaptation si rapide à sa nouvelle morphologie.

– Arrêter avec vos sciences !! brailla River. Cette gamine s'est endormie encore enfant et une fois adolescente elle est devenue une machine à tuer, vous avez suivi le processus, vous savez forcément pourquoi elle est ainsi !

– Ce ne sont pas vos ingénieurs qui ont créé ces « implants » ? renchérit Eagle sur un ton sarcastique,

– Ils n'ont pour fonction que d'augmenter les capacités sensorielles du sujet : l'ouïe, le toucher, la vue et de renforcer la résistance physique du sujet, rien de plus !

River frappa un grand coup sur son bureau, les deux hommes tressaillirent. Un silence lourd et pesant s'installa entre les trois hommes. La tension se calma légèrement lorsque River ouvrit son col, il avait chaud malgré la température en dessous de 0° qui régnait dehors. Quelques papiers avaient volés pendant cette crise de colère tout en les ramassant le directeur leur parla plus calmement :

– Quoi qu'il en soit, il faut la récupérer et l'apprivoiser sinon tous l'argent investi dans ce projet sera définitivement perdu et vous pourrez dire adieux à vos emplois messieurs.

– Cela nous aiderais beaucoup de connaître son point faible, renchérit Eagle toujours avec ce sale ton médisant

– Vous voyez bien que nos connaissances sur elles sont plus que limitées, répliqua Richard, je vais demander aux ingénieurs de créer une puce qui pourra la contrôler à distance mais encore faut-il trouver un moyen de lui administrer.

– Je n'aurais qu'à demander à un de mes camarades sniper, le meilleur d'entre eux, de se charger de ça ! Proposa le militaire soudain intéressé par la situation.

– Bien ! conclut River, le temps presse messieurs ! Je vais me charger de la retrouver. Chacun de vous connait sa mission, qu'il la mène à bien !

Les trois hommes se saluèrent et se séparèrent.

 

Richard franchis le seuil du bureau de River en se remémorant le soir où C259 c'était enfuie. Il passa machinalement sa main sur son visage encore bandé. La jeune fille lui avait fait une entaille suffisamment profonde pour qu'il ait une cicatrice à vie mais pas pour qu'il en meurt. Rien que ce constat effrayait le professeur, il se demandait jusqu'où pouvaient bien aller les capacités de l'être qu'il avait créé. Il marchait dans la rue déserte la tête baissée. Les rares passants qu'il croisait le dévisageaient un instant puis tournaient nerveusement la tête sur le côté, ce serait pire lorsqu'il n'aurait plus le bandage. Mais richard avait décidé de le garder pour montrer à la jeune fille, s'il la revoyait un jour, qu'il comprenait son geste et assumait ce projet inhumain qu'il lui avait fallut exécuter car il fallait bien vivre et qu'il y avait peu de poste pour sa spécialité. Il avançait lentement parmi les rangées de pins dénudés qui encadraient la grande avenue, gardiens immobiles ensommeillés. Un petit groupe d'enfants passa en trombe dans ses jambes, l'un d'eux s'arrêta et le dévisagea, intrigué et effrayé à la fois. Richard souleva, en signe de salut, un chapeau imaginaire, le visage du garçonnet s'adoucit puis il parti sans se retourner en direction de ses amis qui criaient son nom. Richard regarda un instant l'enfant courir au loin dans la neige. Le souvenir de la petite fille qui avait franchis les portes de son laboratoire lui revint en mémoire. C'était un jour de décembre encore plus glacial que celui-ci et la pauvre n'était vêtue que d'une veste d'homme déchirée et s'arrêtant à mi-mollet, faisant office de robe, de chaussures anciennes et trouées et de gants usés en laine. Le professeur l'avait vite arraché aux mains des soldats et avait défié du regard les scientifiques, déjà avides de lui ôter la vie. Emmenant cet être innocent dans son bureau et ayant fermé tous les stores, il avait pu enfin la faire assoir dans son grand fauteuil de dirigeant. La petite fille avait semblé apprécier le contact du cuir chaud, résultat de la nuit que Richard avait passé dedans, harassé par la énième mort d'un jeune sujet prometteur, et s'était détendue un peu. Le professeur avait fais amener des vêtements propre et un repas copieux. Devant l'hésitation de son invité face à la robe blanche en coton, Niemann n'avait eu d'autre choix que de l'aider à se changer. Il l'avais fais une première fois avec ses enfants et d'autres avec les précédents enfants recueillis par le laboratoire. Mais cette fois-ci Richard n'avait pas pu dissimuler son étonnement devant l'enfant nue. Sa peau par endroit rougie par le froid reprenait une couleur normale à ce détail près qu'elle était très pâle, presque transparente. Le professeur pouvait suivre de ses yeux chaque ligne de veine, chaque séparation des fins filaments sanguins qui prenaient tantôt des tons bleu, tantôt des tons plus près du vert ou du violet diffus. À ce tableau venait s'ajouter une maigreur inquiétante, au point que Richard se demanda comment l'enfant pouvait encore tenir debout. Les côtes étaient bien visibles, cela n'étonna guère le scientifique qui connaissait les préférences de soldats en matière de cobayes. À cette pensée il ne pu que ressentir du dégout, il haïssait ces êtres immoraux, destinés uniquement au combat et à la capture. Son attention se reporta ensuite sur les bras de la jeune fille hésitante qui lui tendait la veste crasseuse. Sous sa peau de craie, des muscles fins encore enfantins mais qui semblaient robustes. Probablement pour pouvoir se hisser les toits le soir venu, seule cachette sûre dans les quartiers mal famés de New-York. Richard accepta le vêtement avec un sourire et le déposa sur le bureau. Lorsqu'elle enfila les sous-vêtements sous les directives du professeur il eut le temps d'observer ses jambes. Aussi épaisses que si la jeune fille avait été anorexique mais sous les gestes maladroits de quelqu'un à qui on a rien appris, on pouvait là aussi voir des muscles prompts, utiles pour s'enfuir d'une épicerie où on a substitué au vendeur bedonnaire un maigre butin, un quignon de pain, pour subsister. Richard détourna les yeux lorsque par mégarde son attention s'était portée sur les cicatrices. Sa peau en était maculée : de simple égratignures dues au lit râpeux des tuiles, des meurtrissures manifestement faites par des humains sans pitié avec un couteau ou un autre objet tranchant, mais aussi des bleus qui ne s'étaient pas encore estompés, et d'autres blessures telles que des morsures de chiens ou encore des piqûres de becs de corbeaux charognards l'ayant crue morte, endormie sur le sol glacial avant que le corps frêle ne reprenne vie, picoré à vif.

Une fois qu'elle fut habillée et plus détendue, Richard lui indiqua le plateau posé sur un coin du bureau. Il était énorme. Le cuisinier du laboratoire était un grand ami du professeur et ne manquait pas de préparer un festin pour le/la nouvel(le) arrivant(e). De nouveau la jeune fille s'était assise dans le fauteuil noir, Richard lui avait approché l'objet de toute son attention. Plus le plateau s'approchait, plus elle écarquillait ses grands yeux noirs. Quelle ne fut pas la surprise du scientifique lorsqu'elle tenta d'utiliser la fourchette en plastique. Il pris doucement pour ne pas l'effrayer le couvert blanc entre ses doigts et lui montra le bon geste. Elle le refit immédiatement. Elle apprenait vite. Elle avait dû espionner des gens dans leur maison et observer leurs gestes à travers la vitre embuée pour avoir conscience de l'existence d'outils pour manger. Sur ce point elle était bien différentes des autres enfants affamés, qui s'étaient jetés sur la nourriture sans autre préliminaire. Elle mangea à une allure modérée, savourant un bon repas complet. Toute personne entrant à cet instant aurait pu la prendre pour la parfaite petite fille new-yorkaise de bonne éducation.

Mais elle était un cobaye. La porte du bureau s'ouvrit violemment. Deux soldats entrèrent et saisirent la jeune fille qui se débattit, ne comprenant pas ce soudain excès de violence. Richard ne fit aucun mouvement sous le regard froid de River qui se tenait dans l'encadrement de la porte. La gamine donna des coups de poings et de pieds autant qu'elle put, tendant désespérément la main vers le seul être qui avait été gentil avec elle.

Richard attendit que la porte se referme derrière River et que les gémissement de l'enfant, qui ne savait pas parler, se perdent au loin avant de s'effondrer dans son fauteuil. Les coudes appuyés sur le bois froid, Richard enfouit son visage dans ses mains. Une sueur froide coula lentement le long de son dos. À mesure que les secondes s'écoulaient, l'anesthésiant s'infiltrait dans le corps de l'enfant. Sa conscience sombrant dans un sommeil dont elle ne se réveillerait jamais. Oui, Richard en avait été convaincu à cette époque que quelque soit l'enfant qu'ils prendraient aucun ne survivrait à une telle opération. Une part de lui même ce jour-là, comme toutes les autres fois où il avait donné un pauvre être innocent à la science, s'était endormie elle aussi.

Son téléphone sonna, il ne répondit pas, sachant que c'était les autres scientifiques qui souhaitaient sa présence. Richard se refusa d'assister à une autre transplantation sur mineur et préféra se reporter à sa paperasse.

Lorsque les opérations furent terminées, on avait plongé la jeune fille dans le liquide verdâtre. Niemann avait pensé en voyant son corps onduler dans l'étrange substance qu'elle ne reviendrait jamais, comme tous les autres. Et voilà qu'aujourd'hui il fallait qu'il la torture à nouveau. Il n'avait pas le choix. Si River n'obtenait pas ce qu'il voulait ce serait pour le pauvre scientifique la mort assurée, comme tous les autres hommes et femmes en blouse blanches qui avaient voulus quitter le projet, dégoutés par son ignominie. Ils avaient été tués pour s'assurer que le projet ne serait pas divulgué.

Niemann entra dans l'entrepôt abandonné, composa le code de l'ascenseur et se rendit directement à l'étage où il était sûr de trouver tous les scientifiques réunis. Chacun était inquiet de la fuite de C259, plus pour la perte d'argent que pour le sujet lui même. Niemann capta l'attention de ses collègues et lorsqu'il fut sûr que tous avaient levés leur tête de leur assiette de chili con carne, il révéla les plans de River. Il demanda ensuite lesquels d'entre eux étaient intéressés par l'élaboration de la puce. Plusieurs doigts se levèrent, richard en retint cinq et les convia dans une pièce à l'écart. Avant de refermer la porte il indiqua aux autres de poursuivre leurs investigations habituelles.

Publié dans Ecris

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