Child 259 : chapitre 2

Publié le par kindes

Chapitre 2

 

  – Mange vite Shin, tu vas être en retard !
 Shin grimaça. Il avait mal dormis et la voix tonitruante de sa mère n'arrangeait pas les choses. Il avala en vitesse deux bouchées de sa tartine puis prit son sac dans l'entrée et partit en trombe. Du bout de la rue il pouvait encore entendre sa mère lui souhaiter une bonne journée. Un nouveau trimestre débutait. Shin monta en courant le grand escalier qui le séparait encore de l'avenue menant à son lycée. Shin faillit tomber en tournant sec en haut des marches, il se reprit et ralentit un peu en voyant que le flot d'élèves était plus important. Tous se dirigeaient vers les grandes grilles noires. Shin passa sans s'arrêter près des groupuscules d'élèves parlant de tout et de rien. Un groupe de filles gloussa à son approche et l'une d'elles considérée comme la plus belle du lycée le salua poliment, il fit de même. Shin avança de quelques mètres avant que quelqu'un ne l'attrape par derrière :
  – T'as une touche on dirait, le chin'toc !
 C'était Thomas Carter, un blond à la stature carrée, un ami depuis que Shin était arrivé en ville. Il avait opté pour ce surnom dès qu'il avait été mis au courant des origines américano-japonaises de Shin, même si son prénom et ses yeux bridés l'évoquaient déjà. De ce fait Shin était quelque peu mis à l'écart, mais cela il ne s'en plaignait pas.
  – Allez dis-moi ! Continua-t-il, c'est quoi ton secret avec Erika Vantel ?
  – Je ne m'intéresse pas à elle et tu le sais, répondit-il calmement. Thomas lui montra d'un signe qu'il avait tord puis ce fut tout.

 La journée passa, semblable aux autres. Shin était ailleurs, ne cessant de se remémorer les cauchemars de cette nuit. Ils étaient de plus en plus violents et c'était maintenant presque toutes les nuits que Shin se retrouvait assis dans son lit en sueur et haletant. Heureusement sa mère avait le sommeil profond et il ne la réveillait jamais. Lorsque la sonnerie de la fin des cours retentit il fit un signe d'au revoir à son ami et quitta la salle sans un mot, sans même faire attention aux yeux doux que lui faisait Erika. Il prit le même chemin que le matin. L'hiver était bien installé et le froid transperçait sa veste. Pressé de rentrer chez lui, Shin accéléra le pas. Il poussa la porte d'un geste et la referma bien vite.
  – Je suis rentré !
 Sa mère vint à sa rencontre avec un objet à la main.
  – Ne te déshabille pas si vite mon chou, il faut que tu ailles me chercher quelque chose en ville : je t'ai noté l'adresse tu peux y aller tout de suite ?
 Elle lui fit les yeux implorant face au regard réprobateur de son fils qui était visiblement mécontent de retourner dans le froid. La pitié faisant le pas sur le reste, Shin prit une écharpe plus épaisse et des gants. Il prit le papier, l'argent et repartit.
 La lune jetait sur la ville un flot de lumière argentée. Shin s'engouffra dans une rue étroite et sale. Un chat fusa devant lui en soufflant méchamment, son ombre noire courant sur les murs éclairés par un vieux réverbère dont la flamme artificielle clignotait à intervalles irréguliers. Il tourna à un nouveau croisement et vit au bout de la rue la lumière de l'endroit où il devait se rendre mais avant d'y parvenir une ombre surgit devant lui et se figea sur le haut du mur. Shin ne put voir distinctement de quoi il s'agissait. Cette forme avait une taille humaine et le fixait avec de grands yeux argentés. La lune derrière laissait entrevoir une silhouette fine avec deux pointes sur le sommet du crane et une sorte de queue derrière son dos. Shin eût un mouvement de recul et en laissa tomber le porte-monnaie qu'il tenait. Il s'ouvrit dans sa chute et le tintement des pièce sur le sol se fit entendre. La créature se prit la tête entre les mains, agressée par ce bruit strident et disparut comme elle était venue. Shin haletait. Il ramassa vivement les pièces et fonça prendre l'objet. Ce n'est qu'une fois arrivé chez lui que les battements de son cœur  se calmirent. Il alla sans un mot dans sa chambre et s'effondra sur son lit. Dans les yeux de cette « chose » il avait clairement sentit sa vie se finir. La fenêtre de sa chambre s'ouvrit dans une bourrasque de vent et il ne dédaigna pas ce courant d'air glacé. Un frisson parcourut tout son corps, il décida d'aller la fermer. Le lycéen s'arrêta net. Sur le petit balcon se tenait la créature. Accroupie sur la balustrade. Shin recula et se cogna violemment au bord de son lit. La silhouette quitta son perchoir tel un félin et s'approcha doucement. Alors qu'elle pénétrait dans la lumière de sa chambre il put voir que c'était une jeune fille et que ce qu'il avait prit pour des cornes et une queue en étaient réellement et bougeaient en même temps qu'elle dans un petit bruit de métal, il eu un sursaut en voyant les griffes accérées à ses doigts. La créature se tenait droite au milieu de la chambre et dans ses yeux Shin vit clairement qu'elle hésitait à avancer. Il se releva péniblement et parla avec méfiance :
  – Qui es-tu ? Qu'est-ce-que tu veux ?
 À peine avait 'il prononcé ces mots qu'elle s'écroula. Il s'approcha d'elle, sûr maintenant qu'elle n'était pas dangereuse. Les lèvres de la jeune fille remuèrent et Shin crut entendre le mot « faim ». Il tenta de la soulever pour la mettre sur le lit mais il n'y parvint pas tant son poids était colossal, pourtant elle paraissait squelettique. Il prit un oreiller et le glissa sous sa tête avant de descendre dans la cuisine où sa mère mangeait tranquillement. Il arrivait des soirs où Shin préférait faire ses devoirs avant le repas alors elle mangeait seule et lui laissait une assiette pour le moment où il viendrait manger. Shin passa en trombe prit dans le réfrigérateur une bouteille d'eau et un morceaux de pain sur la table.
  – Je mange dans ma chambre.
  – D'accord ! Travaille bien !
 Mais Shin était déjà en haut de l'escalier. Il rentra dans sa chambre en mettant une chaise devant au cas où sa mère déciderait de lui rendre une petite visite. La jeune fille n'avait pas bougé. Le lycéen ouvrit la bouteille s'agenouilla près d'elle et la fit boire. D'abord l'eau coula sur ses lèvres puis elle se mis à avaler de grandes gorgées. Lorsqu'elle eut avalé la moitié du contenant, Shin la releva en position assise. Il découpa le pain en petites morceaux et lui donna. Dès qu'elle en eut avalé quelques bouchées il lui donna le reste qu'elle dévora en quelques secondes. Shin observa un peu plus son invitée. Elle était très maigre et portait des vêtements déchirés qui semblaient venir d'une poubelle, ils en avaient l'odeur en tout cas. Son attention se fixa sur les pointes métalliques et l'étrange queue qui décrivait des cercles irréguliers ainsi que sur les griffes puissantes qui ne semblaient pas déranger son invitée pour mordre à pleines dents dans le pain.
  – Tu es quoi au juste ?
 La créature cessa de manger et le regarda avec tension. Shin se rendit compte qu'il avait parlé à voix haute.
  – Ah pardon ! Mange ne t'en fais pas, je ne t'oblige pas à répondre.
 La jeune fille détourna les yeux et fixa son pain. Sa voix de cristal brisa le silence :
  – Je l'ignore moi même.
 Shin ressenti dans ces mots une profonde tristesse. Il l'invita à terminer son pain puis attendit qu'elle parle d'elle même.
  – Je te remercie. Je … ne pensais pas vraiment te suivre mais j'étais affamée et tu es le seul à ne pas m'avoir repoussée en me voyant.
  – T'inquiète c'est rien. Mais tu les as trouvé où tes vêtements, ils empestent !
  – En sortant du laboratoire je les ai trouvé dans une poubelle.
  – Du laboratoire ?
 La jeune fille le regarda droit dans les yeux. Shin faillit tressaillir sous l'intensité de ses pupilles argentées. C'est elle qui détourna le regard la première.
  – Moins tu en sauras mieux ce sera.

 Soudain quelqu'un frappa à la porte. La mère de Shin qui venait voir si tout allait bien. La jeune fille se leva et se dirigea vers la fenêtre pour s'échapper. Shin la retint par le bras et la fit s'assoir sur le lit . Il alla vers la porte et l'entre-ouvrit de façon à ce que sa mère ne puisse voir la chambre entièrement.
  – Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda Shin sur un ton moins calme qu'il ne l'aurait voulu.
  – Rien de spécial, s'étonna sa mère, tout … tout va bien ?
  – Oui … oui j'ai juste beaucoup de devoirs à faire ce soir. Ne t'en fais pas !
  – Bien alors je vais me coucher. Bonne nuit.
  – Oui … Toi aussi !
 Shin referma vite la porte au nez de sa mère qui resta quelques instant surprise de l'attitude de son fils mais elle ne s'en offusqua pas, après tout c'était un adolescent !
 Shin s'appuya contre la porte et soupira.
  – Je t'ai obligé à mentir ...
Il sursauta, ayant complètement oublié la présence de la jeune fille.
  – Ne t'en fais pas, la rassura-t-il, ma mère ne va pas s'en soucier !
  – Je déteste ça !
 De nouveau elle le regarda dans les yeux et le cœur de Shin s'arrêta pendant quelques secondes. Se fut elle qui détourna le regard la première.
  –  Je déteste le mensonge ... On m'a trop menti.
 Elle rabattit ses jambes contre sa poitrine et posa sa tète sur ses genoux. Shin s'assit à côté d'elle. Son regard se posa accidentellement sur son épaule où le vêtement tombait légèrement et laissait voir sa peau de craie. Sans qu'il ne comprit pourquoi le lycéen rougit, il tourna la tête pour que son invitée ne le remarque pas. Il se leva alors qu'un bruit d'eau résonnait dans la chambre.
  – Ma mère est dans la salle de bain. Je vais aller te chercher des affaires propres.
 La jeune fille hocha la tête alors que Shin sortait de la chambre. Prudemment il passa dans le couloir, il avait peur qu'une des planches ne grince et ne trahisse sa présence mais il arriva sans bruit à l'autre chambre tout au bout du couloir. Il ouvrit la porte en guettant que sa mère ne sorte pas   à ce moment là. C'était une pièce à peine plus grande que sa propre chambre. Un lit deux places trônait au centre, une fenêtre à droite du lit donnait sur une minuscule ruelle sombre. Shin se dirigea à gauche où siégeait l'armoire. Il l'ouvrit en atténuant le plus possible le grincement des gonds massifs. Il en sortit une chemise blanche et  un jeans, tous deux trop grands pour la jeune fille mais c'était mieux que cette veste nauséabonde. Il refit le chemin en sens inverse sans être repéré. Quand il rentra dan la chambre, elle n'avait pas bougé d'un millimètre. Il lui tendit les vêtements.
  – Met ça ! Ça sera mieux que ce déchet, lui dit-il sans la regarder.
 La jeune fille prit les vêtements et s'exécuta. Shin se tourna et s'assit à la chaise de son bureau. Malgré lui ses oreilles captaient le moindre son. Il se sentait rougir jusqu'au oreilles, ce qu'il trouva idiot et immature. Il senti une main lui tapoter l'épaule et se retourna instinctivement. Il tenta de retenir sa réaction face à son invitée qui lui montrait le résultat. Elle avait mal boutonné la chemise et le pantalon, trop grand comme il l'avait prévu, menaçait de lui tomber aux chevilles à tout moment. Le lycéen alla chercher une ceinture dans sa propre commode et montra à la jeune fille qui semblait perplexe comment la mettre. Plus il était proche d'elle moins il arrivait à comprendre les émotions qui l'envahissaient. Il remit les boutons du bas de la chemise pour montrer l'exemple puis enleva promptement ses mains en l'invitant à faire pareil.
  – Ils ne t'ont donc rien appris là-bas ? À ton « laboratoire » ?
  – Disons qu'ils n'en ont pas eu le temps … Voilà c'est bien comme ça ?
 Shin se retourna en hésitant légèrement. Il sourit malgré lui.
  – Ouais très bien.
 Pour la première fois elle lui sourit aussi.

Publié dans Ecris

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